J’ai choisi le nom de mon entreprise avant même de décider que j’allais créer une entreprise.

C’était pendant le confinement.

J’habitais alors dans un petit appartement loué en région parisienne, à Nanterre plus précisément. Pas de jardin, pas de terrasse, pas même de balcon : pas d’échappatoire en somme.

Tentée d’abord de rejoindre ma famille en Pays de Loire et de participer, moi aussi, aux barbecues du déjeuner dans le jardin, j’ai rapidement compris qu’une cohabitation à durée indéterminée avec ma famille adorée n’était peut-être pas une si bonne idée si je tenais à conserver de saines relations avec elle à l’avenir… Entre le plaisir de travailler au soleil sur la table de jardin et le confort d’un chez-moi bien tranquille, j’ai finalement privilégié la deuxième option.

A force de vivre enfermée, on finit par observer le quotidien autrement. C’est ainsi que j’ai appris un tas de choses insoupçonnées sur mon appartement. Les voisins du dessus qui passent l’aspirateur 3 fois par jour, le voisin du dessous qui est chanteur à Radio France, la passion pour la pâtisserie de mes voisins de palier… J’ai découvert avec délice ce qui se passait en journée dans cet immeuble où je n’étais quasiment jamais en journée, généralement occupée au bureau ou ailleurs.

C’est à cette occasion que j’ai observé que chaque jour, à peu près à la même heure après déjeuner et jusqu’en fin d’après-midi vers 17h, un rayon de soleil filtrait par la fenêtre du salon pour venir éclairer chaleureusement le coin droit de la pièce. Petit plaisir gratuit de ces journées si particulières.

Ni une, ni deux, j’ai sauté sur l’opportunité ! Rendez-vous quotidien, pause confinée bien méritée, la lecture au soleil est devenue mon petit plaisir de cette parenthèse enfermée.

C’est donc sur le rebord de la fenêtre que j’ai élu domicile quotidiennement, bercée par le bruit des oiseaux que les voitures n’étouffaient plus et la chaleur estivale qui pointait le bout de son nez. Non sans effort pour lutter contre mon vertige (descendre du rebord de fenêtre fût une étape périlleuse à chaque fois que je m’y suis installée..).

 

 Pour preuve de ma bonne foi

C’est précisément à cet endroit, sur ce balcon de fortune, qu’un jour du mois de mai j’ai ouvert l’Encyclopédie capricieuse du tout et du rien écrite par Charles Dantzig. Un régal. De la liste des lieux à la liste autobiographique par effleurements d’écrivains, en passant par la liste de Venise ou la liste du sexy, j’y ai découvert avec beaucoup d’amusement une vision du monde incongrue, hétérogène, délicieusement inutile… et terriblement poétique. 

Mais surtout, sur la première page, avant même de découvrir le contenu de l’ouvrage, une épigraphe qui a attiré mon regard : 

Caprices (n.m.) : Oeuvre d'art s'écartant des règles ordinaires. 
Dictionnaire Le Petit Robert

Alors que nous étions là, enfermés dans nos demeures, le monde à l’arrêt retenant son souffle et se demandant ce qui allait bien pouvoir se passer, nous interrogeant pour beaucoup sur le sens de nos existences interrompues sans préavis – nous ne savions même pas alors que c’était possible – ces mots m’ont heurtée de plein fouet.

J’ai lu cette petite phrase et j’ai souri. C’était si juste…

Incapable de mettre des mots sur mes projets, de définir clairement et définitivement la fin, le sens de ma vie professionnelle – mais pas seulement – j’ai trouvé soudain dans cette définition les prémices d’une réponse. Non, je ne savais pas définir mon projet, le résultat, l’aboutissement, la direction visée. Mais je savais déjà qu’il s’agirait de quelque chose de beau, qui s’écarte des règles ordinaires pour faire les choses à ma manière. Et étrangement, savoir cela me suffisait. 

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Ce jour là, j’ai décidé que j’allais créer une entreprise qui s’appellerait Caprices. Que j’essaierai d’en faire une oeuvre d’art, un projet extra-ordinaire, un peu différent, un « truc » bien à moi. J’ai décidé que ce serait aussi un pied-de-nez à toutes celles et ceux qui me disaient de remettre les pieds sur terre, un regard malicieux jeté en arrière, vers tous ceux qui me reprochaient mon idéalisme, mon intransigeance, mon envie de « plus », mes caprices. Ce qu’ils voyaient dans mes caprices, ce qu’ils me reprochaient, c’est cette envie de n’en faire qu’à ma tête – parce qu’après tout, qu’est-ce qui m’en empêche ? Ils me reprochaient ma capacité à envisager la liberté, à l’embrasser pour faire de ma vie quelque chose de nouveau, à redéfinir les règles. Ils étouffaient l’étincelle de courage qui m’incitait timidement à refuser le cadre étincelant, la prison dorée dont la porte était ouverte devant moi. A la lecture de cette définition, je n’ai plus eu qu’une envie : faire un caprice. Leur montrer que ce n’était pas plus difficile que quand j’étais enfant, que tout était encore possible, qu’on pouvait construire quelque chose de beau, quelque chose de singulier, quelque chose d’artistique. Qu’il suffisait d’y croire.

En mai 2020n je n’avais pas encore de projet, mais j’avais mis un mot sur ce qui m’anime encore aujourd’hui. Et c’est peut-être l’un des plus grands pas vers moi-même que j’ai fait jusqu’à aujourd’hui.

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L’adjectif ‘selcouth‘ me renvoie à cet instant, à ce moment où le mot résonne et vous emplit tout d’un coup d’une nouvelle compréhension de vous-même. Il parle de l’inhabituel, du singulier, de ce qui dérange un peu parce qu’on n’y est pas habituée. Il parle aussi de l’aspect merveilleux de l’extraordinaire, du frisson délicieux de l’excitation qui ne naît pas de l’habitude, du pas dans l’inconnu – l’étranger – qu’il faut faire pour pouvoir être surpris. Il parle de l’ordinaire dont je suis persuadée qu’il faut s’écarter pour vivre une vie pleine. 

J’y vois la promesse de tous les possibles, l’audace de faire autrement, le courage de la singularité. J’y vois un sourcil qui se hausse lorsqu’une opportunité inattendue se présente, une oreille qui se tend à l’écoute de la nouveauté, un esprit qui s’agite car il sait, intuitivement, que quelque chose s’annonce.

Je vous souhaite de rencontrer au quotidien des dizaines d’évènements selcouth et capricieux, pour faire de vos vies des oeuvres d’art.

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